Sur fond de crise sanitaire, HIPPOCAD et Inria ont travaillé main dans la main pour développer PréLiFa, une plateforme visant à faciliter la communication entre les soignants et les familles des patients en réanimation.
La crise du Coronavirus a mis en lumière un certain nombre de besoins pesant sur le monde hospitalier, que ce soit en termes de protection ou de moyens. L’enjeu de l’information des familles confinées, lui, n’a été que très peu évoqué. Il est pourtant capital. Imaginez un hôpital bondé de patients atteints du Covid-19. Beaucoup sont en réanimation et ne peuvent joindre leurs proches pour donner des nouvelles. C’est donc aux soignants d’endosser cette tâche. Comment prendre le temps d’informer correctement les familles des patients quand ceux-ci se multiplient et nécessitent une attention plus constante que jamais ?
C’est en substance la question que s’est posée l’hôpital Lariboisière. Situé dans le Xe arrondissement de Paris, cet établissement de l’AP-HP collabore de longue date avec Inria sur des cas où la modélisation mathématique peut aider le travail médical. Mi-mars, le professeur Alexandre Mebazaa contacte donc son interlocuteur Inria, Dominique Chapelle (équipe M3DISIM). « L’hôpital s’inquiétait du ‘trou noir’ relationnel entre les familles et les patients en réanimation », se souvient ce dernier. Bien que tenus d’informer les proches toutes les douze heures, les soignants étaient contraints, par la situation, de privilégier le bon fonctionnement du service. De fait, le coup de fil périodique pouvait passer à la trappe. L’urgence de développer un outil garant du lien entre le patient et sa famille se fait donc ressentir.
Six jours pour développer PréLiFa
« Quand Dominique a été contacté par l’AP-HP, il a pris contact avec les équipes susceptibles d’avoir des liens dans l’écosystème médico-social pour voir s’il était concevable de développer une solution très rapidement », raconte Nicolas Anciaux, responsable de l’équipe PETRUS d’Inria. Très vite, HIPPOCAD est contacté et accepte de travailler bénévolement sur le projet. Le 19 mars vers 13h, une réunion est organisée entre l’hôpital, Inria et HIPPOCAD pour définir les besoins. Il faut un outil simple, accessible aussi bien aux soignants qu’aux familles, sécurisé et surtout, réalisable dans l’urgence. L’objectif : produire une solution qui puisse entrer en production dès le mercredi suivant, soit moins d’une semaine plus tard. Le déploiement est prévu sur Lariboisière, ainsi que dans les hôpitaux Saint-Louis (Xe) et Beaujon (Clichy), ce qui représente environ 150 patients.
Une fois les contours du projet validés, le développement commence. Le choix se porte sur une application web, qui permettra une utilisation sur smartphone, tablette ou ordinateur. Le tout est développé à partir du back-office d’ASAPRO®, la solution maison d’HIPPOCAD. Brice Rigot, Silien Hong, Carole Da Costa et Céline Simonneau acceptent de travailler pendant le week-end suivant, respectivement sur le back-office, l’architecture, le front-end et la gestion du projet en lien direct avec Inria. Forte de son expertise sur la gestion des données personnelles médicales, HIPPOCAD prend également en charge l’hébergement de la plateforme. De son côté, Inria forme les soignants et crée des tutos dédiés. Pour le nom, ce sera PréLiFa, pour Préservation du Lien avec les Familles.
Une expérience « très forte humainement »
Le fonctionnement de PréLiFa est simple. Lorsqu’un patient arrive en service de réanimation, le nom et le contact de l’un de ses proches sont rentrés dans l’application par les soignants ou le personnel en charge de l’admission. Une équipe de bénévoles d’Inria a été mise en place pour former un « back-office humain » permettant de contacter les familles afin de leur expliquer le fonctionnement de PréLiFa et de recueillir leur consentement. Une fois cette démarche effectuée, les soignants peuvent envoyer un message écrit ou audio par mail aux proches à propos du patient, directement depuis sa chambre. Ce message passe de nouveau par le « back-office humain » qui relit et, si besoin, modère le contenu, avant de valider l’envoi. De l’autre côté de la chaîne, le proche s’authentifie une première fois et peut ensuite recevoir les précieux messages par mail. Point important : n’importe quel membre de l’équipe soignante peut utiliser la plateforme, du médecin à l’infirmière en passant par le kiné. « Cela permet aussi de montrer aux familles que leur proche est entouré, qu’il n’est pas seul dans cette épreuve », rappelle Nicolas Anciaux.
Après 48 heures de développement et 48 heures de test, la plateforme entre en production comme prévu, le mercredi 25 mars. Au fil des retours enregistrés durant les semaines suivantes, la réussite de l’opération est évidente. Les familles sont soulagées de recevoir des nouvelles régulières, tandis que les soignants respirent. « L’expérience a été très forte humainement pour tous les collègues Inria, commente Dominique Chapelle. Nous sommes très contents et fiers car nous avons le sentiment d’être intervenus à un moment critique, au sommet de la vague. » Pour Nicolas Anciaux, le Coronavirus aura eu le mérite de mettre en lumière un besoin « criant, et pas seulement en situation épidémique ». L’AP-HP ne s’y est pas trompé, puisqu’après avoir été élargi à huit hôpitaux, PréLiFa devrait être implanté dans tous les établissements du réseau.